Ilia Topuria : Nouveau GOAT ou menace pour les légendes ?

Publié : Jeudi 13 novembre 2025 277

Ilia Topuria : Nouveau GOAT ou menace pour les légendes ?

Ilia Topuria est-il le nouveau GOAT ? Devenu double champion (plumes/légers) invaincu , “El Matador” a mis KO Volkanovski, Holloway et Oliveira. Analyse comparant sa montée fulgurante aux légendes (Jones, GSP, Khabib).

Bonjour à tous, c'est Tom. En tant qu'analyste et passionné de sports de combat depuis des décennies, j'ai assisté à d'innombrables débats enflammés dans les bars, les forums et sur les plateaux de télévision. Mais une question revient sans cesse, tel un fantôme dans l'Octogone : Qui est le "GOAT" ? Le "Greatest of All Time" de l'UFC.

Pendant des années, les noms étaient presque gravés dans le marbre. Nous avions nos piliers, notre "Mont Rushmore" : Jon Jones, Georges St. Pierre, Anderson Silva, et plus récemment, Khabib Nurmagomedov. Chacun avec un argument presque imparable.

Mais en 2024 et 2025, un tremblement de terre nommé Ilia Topuria a secoué les fondations mêmes de ce débat.

Ce n'est plus une simple discussion. Après sa course fulgurante pour capturer non seulement le titre des poids plumes mais aussi celui des poids légers, "El Matador" a fait plus qu'entrer dans la conversation. Il a pris une chaise, l'a claquée sur la table et a exigé d'être entendu.

La question que je me pose aujourd'hui n'est pas de savoir s'il est le GOAT. Il est peut-être trop tôt. La question est de savoir si sa montée météorique et son statut de double champion invaincu ont irrémédiablement changé les critères mêmes de ce que nous recherchons chez le plus grand de tous les temps.

Plongeons ensemble dans ce dossier.

L'Ancienne Garde : Les Piliers Inébranlables du GOAT

Avant de pouvoir mesurer l'impact de Topuria, je dois rappeler respectueusement qui sont les rois qui siègent sur le trône. Le statut de GOAT ne se gagne pas seulement par des victoires, mais par une combinaison de domination, de longévité, de qualité d'opposition et d'héritage.

Le Cas des Titans

  • Jon "Bones" Jones : Pour moi, Jones est l'argument du "talent pur". Le plus jeune champion de l'histoire de l'UFC, une domination quasi totale de la division la plus compétitive (les mi-lourds) pendant une décennie, et une montée réussie chez les poids lourds pour capturer une deuxième ceinture. Son seul défaut ? Il est énorme. Ses controverses en dehors de la cage et ses tests positifs aux produits dopants (PED) placent un astérisque indélébile sur son nom pour de nombreux puristes.
  • Georges "Rush" St-Pierre (GSP) : Si Jones est le talent brut, GSP est l'incarnation de la classe, de la stratégie et de l'évolution. Il a régné sur les poids mi-moyens avec une intelligence de combat supérieure, a vengé ses deux seules défaites de manière spectaculaire, et est revenu après une longue absence pour monter de catégorie et soumettre Michael Bisping pour le titre des poids moyens. Son dossier est impeccable, sans la moindre controverse de dopage.
  • Khabib "The Eagle" Nurmagomedov : L'argument de Khabib est simple : la perfection. Un palmarès de 29-0. Il n'a, selon beaucoup, jamais perdu un seul round de manière convaincante. Il n'a jamais saigné, jamais été coupé dans l'Octogone. Sa domination basée sur la lutte (le "smesh") était si totale que ses adversaires (McGregor, Poirier, Gaethje) ne perdaient pas seulement, ils étaient brisés mentalement. Son départ à la retraite au sommet de son art laisse un "et si ?" frustrant, mais préserve son invincibilité.

D'autres, comme Anderson Silva (la plus longue série de défenses de titre) et Demetrious Johnson (le règne le plus technique), ont aussi leur place. Mais ce trio (Jones, GSP, Khabib) forme la barrière que tout nouveau prétendant doit franchir.

"El Matador" : La Montée d'un Nouveau Titan

Et puis, Ilia Topuria est arrivé.

Ce n'était pas une montée progressive. C'était une conquête éclair. Sa confiance, que beaucoup prenaient pour de l'arrogance, s'est révélée être une prémonition.

Rappelons sa trajectoire récente, car elle est essentielle pour comprendre le débat :

  1. UFC 298 (Février 2024) : Il affronte Alexander Volkanovski, un homme considéré par beaucoup comme le GOAT des poids plumes et alors numéro 1 "Pound-for-Pound". Topuria fait ce que personne ne pensait possible : il met KO "Volk" de manière brutale au deuxième round.
  2. UFC 308 (Octobre 2024) : Il fait face à une légende, Max Holloway. Encore une fois, Topuria prouve que sa puissance est d'un autre niveau et obtient un autre KO spectaculaire.
  3. La Montée (2025) : Au lieu de stagner dans sa catégorie, il fait ce que seuls les plus grands osent faire : il vise une deuxième ceinture. Il rend vacant son titre des poids plumes (une décision qui fait débat, j'y reviendrai) pour se concentrer sur la division la plus dense du sport, les poids légers.
  4. UFC 317 (Juin 2025) : Il affronte le redoutable Charles Oliveira pour le titre vacant des poids légers (laissé par Islam Makhachev qui montait lui-même de catégorie). Le résultat ? Un KO au premier round.

En moins de 18 mois, Ilia Topuria a mis KO trois des combattants les plus respectés et durables de la décennie, dans deux catégories de poids différentes, pour devenir double champion.

Et surtout, il l'a fait en conservant un palmarès parfait : 17-0.

L'Argument Topuria : Qu'est-ce qui le Rend Différent ?

La candidature de Topuria ne repose pas sur la longévité, du moins pas encore. Elle repose sur la densité de ses exploits et son invincibilité.

Voici ce qui le place, selon moi, dans une position unique :

  • L'invincibilité parfaite : Khabib est le seul autre GOAT à s'être retiré invaincu. Topuria est actuellement 17-0. Jones et GSP ont tous deux des défaites (bien que celle de Jones soit une disqualification absurde).
  • Le statut de "Champ-Champ" : Il rejoint le club ultra-exclusif de GSP, McGregor, Cormier et Jones (si l'on compte son titre LHW et HW) en tant que détenteur de ceintures dans deux divisions.
  • Le taux de finition : Ce type ne gagne pas aux points. Sur ses 17 victoires, il compte 7 KOs et 8 soumissions. Il est une menace mortelle partout.
  • La qualité de l'opposition vaincue : Volkanovski, Holloway, Oliveira. C'est ce qu'on appelle un "CV de tueur". Il n'a pas seulement battu des champions, il les a finis.

Il est le seul combattant de l'histoire de l'UFC à avoir atteint le statut de double champion tout en conservant un palmarès invaincu. C'est un fait statistique qui ne peut être ignoré.

Comparaison Directe : Topuria face aux Légendes

Pour y voir plus clair, j'ai dressé un tableau comparatif au moment où chacun a atteint son "pic" (pour Topuria, c'est aujourd'hui).

Métrique

Jon Jones (Apogée LHW)

GSP (Apogée WW/MW)

Khabib (Retraite)

Ilia Topuria (Actuel)

Statut "Double Champ"

Oui (LHW / HW)

Oui (WW / MW)

Non

Oui (FW / LW)

Palmarès (approximatif)

26-1 (1 NC)

26-2

29-0

17-0

Défenses de Titre (Total)

11 (LHW)

9 (WW)

3 (LW)

1 (FW)

Astérisque (Dopage)

Oui (Plusieurs)

Non

Non

Non

Mode de Domination

Créativité, QI Combat

Stratégie, Complet

Pression, Lutte

Puissance, Finition

Qualité des Victoires Clés

Cormier, Gustafsson, Rua

Hughes, Penn, Bisping

McGregor, Poirier, Gaethje

Volkanovski, Holloway, Oliveira

Ce tableau montre ses forces et ses faiblesses. Son palmarès est parfait, mais son nombre de défenses de titre est, pour l'instant, très faible comparé aux règnes longs de GSP ou Jones.

Les Astérisques et ce qui Manque Encore

Aussi impressionnante que soit sa montée, je dois rester objectif. Placer la couronne du GOAT sur la tête de Topuria aujourd'hui serait prématuré, et voici pourquoi.

Le premier problème est la longévité. Être GOAT, c'est rester au sommet face à des vagues successives de nouveaux prétendants. GSP a régné 2 204 jours. Anderson Silva, 2 457 jours. Topuria vient de commencer son règne en poids léger. Peut-il le défendre 3, 5, ou 10 fois ? C'est la grande inconnue.

Le deuxième problème, et il est de taille, concerne son titre en poids léger. Il a remporté une ceinture vacante.

Il n'a pas battu le roi pour prendre le trône. Il a battu le prétendant numéro un (Oliveira) pour une couronne sans roi. Le roi, Islam Makhachev, est monté en mi-moyen.

Tant que Topuria n'aura pas affronté et battu Makhachev (si ce combat se fait un jour), il y aura un doute. Pour vraiment cimenter son statut, il doit encore marquer ce penalty décisif, un peu comme un tir au but tendu sur un site officiel de jeu de football, en battant le champion incontesté plutôt qu'en jouant pour un titre vacant. Il a évité, volontairement ou non, le "Khabib 2.0".

De plus, il a abandonné sa ceinture poids plume après une seule défense. GSP et Jones ont nettoyé leur division respective avant de monter. Topuria a pris l'or et est parti. C'est une stratégie de "superstar", à la McGregor, mais cela nuit à l'argument de la "domination divisionnelle" que possèdent les autres GOATs.

Conclusion : La Conversation a Changé à Jamais

Alors, pour répondre à ma question initiale : oui, la course d'Ilia Topuria a absolument et définitivement changé la conversation sur le GOAT.

Il n'a pas (encore) détrôné Jones, GSP ou Khabib. Il lui manque la longévité et les défenses de titre pour éclipser leurs règnes.

Cependant, il a créé une nouvelle voie vers la grandeur. Il a prouvé qu'un combattant pouvait rester invaincu, finir des légendes dans deux catégories de poids, et le faire avec une vitesse et une férocité que nous n'avions jamais vues. Il incarne l'évolution moderne du MMA : un striking de boxe d'élite combiné à un grappling de niveau ceinture noire, le tout enveloppé dans une confiance en soi inébranlable.

Il est le premier de sa génération à frapper légitimement à la porte de ce panthéon. La conversation n'est plus un club fermé de trois ou quatre noms. C'est maintenant un club de "trois ou quatre... et peut-être ce gamin, Topuria".

S'il défend sa ceinture des poids légers contre les monstres qui l'attendent (comme Arman Tsarukyan) ou s'il parvient à organiser ce "superfight" contre Islam Makhachev, alors nous ne discuterons plus de sa place dans la conversation. Nous discuterons de sa place à la tête de celle-ci.